Crampes : causes et prévention
- Nouchka SIMIC
Quelles sont les causes réelles et comment les prévenir ?
Les causes et la physiopathologie
Sportif ou non sportif nous avons tous déjà subi des crampes musculaires.
Mais qu’est-ce réellement ?
Les crampes musculaires sont des contractions continues, involontaires, brutales, douloureuses et localisées dans un groupe musculaire entier, d’un muscle individuel ou de certaines fibres d’un seul muscle en particulier.
Généralement, la crampe peut durer de quelques secondes à quelques minutes. Elles se produisent souvent chez les athlètes de sports d’endurance et peuvent concerner jusqu’à 17 % d’entre eux, c’est un problème courant en médecine du sport.
L’étiologie de la crampe n’est pas bien comprise, et dépend de la situation dans laquelle elle se produit. En effet, elle est présente dans un certain nombre de conditions :
Pathologiques : myopathie, neuropathie, diabète, chez des patients dialysés (principalement dû à l’altération de la vascularisation périphérique créant ainsi des épisodes d’ischémie et de crampes).
Physiologiques : Crampes nocturnes, crampes associées à l’exercice… Ce sont donc des crampes qui apparaissent chez un sujet en bonne santé.
Nous allons ici nous intéresser aux crampes chez le sportif.
Plusieurs circonstances ont vu la lumière grâce aux études scientifiques :
Le sujet peu entraîné qui réalise un exercice trop intense. L’effort bref et violent engendre une crampe qui disparaît rapidement avec la mise au repos.
Le sportif «surentraîné» qui associe inadaptation cardio-respiratoire et inadaptation musculaire à l’effort.
Le sujet réalisant un effort dans un environnement pouvant engendrer des troubles hydro-électrolytiques (déshydratation, dys-kaliémie, - natrémie, - calcémie, etc.).
L’athlète pour lequel la crampe révèle un trouble de la mécanique musculo-squelettique, statique ou autre.
Le sportif qui a des antécédents de crampes liées à l’exercice : cela semble être un facteur de risque plus élevé de crampe future.
Dernières circonstances que nous avons plus haut, les crampes nocturnes. Le sommeil est un facteur de récupération extrêmement important pour le sportif. Le fait de subir une crampe en dormant peut suggérer une mauvaise qualité de sommeil. En effet, après l’exercice, lorsque l’athlète est en plein sommeil, un pic de GH (Growth Hormone) a lieu, nécessaire à une synthèse protéique optimale pour réparer correctement les microtraumatismes générés lors de l'entraînement. Si ce processus est mal réalisé pour cause de sommeil de mauvaise qualité, les niveaux de cortisol vont augmenter en dépit des taux de GH. Cela pourrait donc entraîner et favoriser l’apparition de crampes durant la nuit chez les athlètes. Cependant l’étiologie précise des crampes nocturnes reste inconnue. Nous connaissons par contre les facteurs prédisposants : troubles électrolytiques, troubles neurologiques, hormonaux, métaboliques, l’apnée du sommeil, mais aussi la prise constante de certains médicaments tels que les diurétiques, les statines, les bêtabloquants.
Intéressons nous de plus près, aux crampes associées à l’exercice :
Plusieurs théories physiopathologiques ont été proposées pour expliquer les crampes liées à l’exercice.
Au départ, on pensait que les crampes étaient dues à une déshydratation et à un déséquilibre électrolytique. Par exemple, des crampes musculaires associées à la chaleur sont souvent observées dans les sports intenses (induisant une grosse perte de sueur et d’électrolytes). Ces deux effets sont censés conduire à une déformation mécanique des terminaisons nerveuses et à une augmentation des concentrations ioniques ce qui entraîne une hyperexcitabilité des terminaisons nerveuses motrices et une décharge spontanée aboutissant à une crampe. Cependant, dans les études menées chez des sportifs d’endurance présentant des crampes à l’effort, on ne retrouve pas systématiquement de déséquilibres électrolytiques. D’ailleurs, tous les sportifs qui ont des pertes d’électrolytes conséquentes n’ont pas obligatoirement de crampes.
Une autre hypothèse est celle des « troubles neurologiques périphériques transitoires ».
Les principaux résultats indiquent une fatigue périphérique d’origine neurologique comme cause de l’apparition de crampes. Plus précisément, la surcharge et la fatigue musculaire engendrent un déséquilibre entre la commande excitatrice des fuseaux musculaires et la commande inhibitrice du motoneurone alpha, ce qui produit finalement une crampe localisée. En fait, les contractions musculaires continues augmentent les afférences des fuseaux neuromusculaires avec un effet inhibiteur parallèle sur les organes tendineux de golgi (mécanorécepteurs proprioceptifs). La théorie neuromusculaire a aussi encore beaucoup de limites. Il est probable que le degré de fatigue requis pour provoquer des crampes soit unique à chaque athlète.
La prévention par la diététique des crampes associées à l’exercice
Malgré l’étiologie et les mécanismes physiopathologiques qui ne sont pas encore totalement élucidés, des facteurs de risques ont été mis en évidence chez les sportifs :
Un âge plus élevé
Un index de masse corporelle élevé
Une insuffisance de pratique des étirements
La présence de crampes dans la famille
Des mesures hygiéno-diététique inexistantes
La grossesse, la pilule
L’abus d’excitants (café, thé)
Certains médicaments (diurétique, bêtabloquant…)
Il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement médicamenteux pour traiter les crampes liées à la pratique de l’exercice, il y a cependant des moyens de les prévenir :
1 - Hydratation 💧
Si on suppose la relation entre crampe et déshydratation avec un déséquilibre électrolytique, la National Athletic Trainers Association recommande aux athlètes sujets aux crampes musculaires d'ajouter 0,3 à 0,7 g/L de sel à leurs boissons pour éviter les crampes musculaires. Effectivement malgré le manque de preuves directes, le maintien d'une hydratation et de niveaux d'électrolytes adéquats est une bonne stratégie de prévention pour les personnes sensibles aux crampes.
De plus, je recommanderai à l’athlète d’ingérer 500 ml à 1L de boisson sportive dans les deux heures précédant la compétition, pour être sûr que la majorité des liquides, électrolytes et nutriments aient été absorbés.
Cependant, comme nous l’avons vu, il semble que la déshydratation et la perte d’électrolytes ne soient pas une cause avérée d’apparition de crampes, car de nombreux sujets ont présenté des crampes même lorsqu’ils étaient hydratés et supplémentés en électrolytes.
2 - Le massage / étirement 👩⚕️
Il a été démontré que les crampes associées à l’exercice peuvent être soulagées par la massothérapie qui modifie l'excitabilité neuronale, mais aussi par des étirements statiques modérés des muscles qui contractent les crampes.
Il existe également une base théorique solide pour effectuer des exercices qui ciblent le système neuromusculaire afin de prévenir les crampes. Les exercices de prévention qui ciblent les muscles les récepteurs fuseau devraient être mis en œuvre pour retarder l'apparition de la fatigue neuromusculaire et, par conséquent, les crampes. Exemple d’exercice : les exercices pliométriques.
3 - Prévenir les carences 💊
Il n’y a pas d’études scientifiques qui montrent une amélioration des crampes associées à l’exercice précisément et une quelconque complémentation.
L’effet du magnésium, de la vitamine A, des vitamines du groupe B, de la créatine ont été étudiés, mais on retrouve beaucoup de résultats contradictoires et rien de concret.
Mais, cela peut être envisagé qu’une carence en magnésium ou en vitamine du groupe B pourrait accentuer le phénomène de crampes ou du moins, pourrait fragiliser l’individu, et c’est une des raisons pour laquelle le statut micronutritionnel de l’athlète doit être soigné.
🎯 Conclusion
Lorsque les crampes chez le sportif sont récurrentes, elles doivent faire l’objet d’une recherche étiologique plus approfondie.
Dans ce cas, il est important de déterminer les diverses causes possibles de la crampe en procédant à un examen physique chez un professionnel de santé ainsi qu’à une anamnèse précise.
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